Le rencar

Vernissage expo photos Fête-Eglise

St-Ursanne, le 13 septembre 2014

Jean-Charles Mouttet expo photo St-Ursanne Jean-Charles Mouttet expo photo St-Ursanne

«Oh wesh mon frère... qu’est-ce que tu fais là ?»

Dans le jargon populaire, voire banlieusard, le frère venu de «tous ses frères venus d’Algérie et du Maghreb» dit déjà quelque chose d’essentiel de la fraternité...

La fraternité est bien davantage que la fratrie; venant d’un même pays, d’une même région, d’une même religion... nous sommes tous frères.

Elle nous entraine au cœur de la foi chrétienne; en Jésus Christ nous sommes tous frères et sœurs, membres d’une seule fraternité qui nous réunit bien au-delà de ce qui nous est commun ou différent au plan des liens du sang, des rangs sociaux ou encore des couleurs de peaux...

Dans l’ensemble de l’événement «Fête-Eglise» du Jura pastoral, il semble dès lors évident, qu’une Eglise locale souhaitant démontrer son aptitude à être rayonnante de l’Evangile, le fasse aussi par le biais d’une exposition photographique sur la fraternité.

En cette Eglise, nous sommes frères et sœurs...

Quand je me promène dans la rue avec mon frère ou ma sœur, ça ne saute pas aux yeux des autres passants que nous sommes nés de mêmes parents, sortis d’un même ventre maternel.

Mais quand nous nous disons frères et sœurs d’une même foi, cela devrait se voir... à tel point que l’on pourrait en capter l’image, comme toutes ces photos. La fraternité chrétienne a un visage, elle peut, elle devrait se voir lorsqu’on la croise dans la rue...

En disant cela, il est pour moi évident, comme responsable du rencar, - ce camping-car envoyé par l’Eglise du Jura pastoral à la rencontre des hommes et des femmes d’aujourd’hui sur les places publiques à Porrentruy, Delémont, Moutier, St-Imier et bientôt Saignelégier -, oui cela me touche d’avoir la chance de pouvoir vivre un espace de fraternité particulièrement visible et d’avoir l’occasion de venir vous partager un bout d’expérience en lien avec cette exposition...

Pour moi, la fraternité la plus ancienne écrite dans l’histoire de l’humanité me fait remonter au récit de Caïn et Abel; tous deux fils d’Adam. Mais vous savez comme moi que cette fraternité-là s’est transformée en un fratricide, Caïn emporté par sa jalousie tue son frère et en arrive même à nier l’existence d’Abel... La fraternité, cercle largement plus ouvert que la fratrie, est donc d’emblée un idéal difficile à atteindre, empêché par tous les élans de possession et d’intérêts individuels qui se trament dans l’existence humaine.

C’est là le long récit de l’histoire, également celui qui est raconté pour le peuple élu dans l’Ancien Testament.

Mais un jour, ou plutôt une nuit, la plus longue des nuits, un enfant vient au monde. Il est la Lumière des hommes, il est Dieu-avec-nous, l’Emmanuel...

Et quand Dieu prend naissance au milieu de nous, il fait de nous des fils et des frères et sœurs, une nouvelle fraternité. Avec ses mots à lui, il nous dira et nous démontrera qu’il est impossible d’aller à Dieu sans passer par les frères; que tout ce que nous ferons à ces plus petits parmi nous, c’est envers Dieu que nous montrerons de l’attention...

Et sa vie durant, Jésus s’attache à poser des actes à travers lesquels il prend soin de ses sœurs et de ses frères humains, en les guérissant, en les libérant, même en ressuscitant Lazarre. Seuls ces gestes-là peuvent donner à comprendre le Royaume dont il parle en utilisant des paraboles comme celle du Bon Samaritain... Il n’y a qu’un commandement : «aime le Seigneur ton Dieu de toute ta force, de tout ton esprit, de toute ta vie, mais moi, - nous dit-il -, ce commandement-là vous n’y parviendrez qu’à la force de l’amour que vous aurez pour vos prochains et pour vous-même...»

Cet idéal est donc difficilement atteignable pour les humains en prise avec tout ce qui limite leurs bonnes volontés... Jésus est arrêté, crucifié, il meurt et le troisième jour, Dieu lui rend la vie, non pas pour l’extirper de l’oubli où mène toute mort, mais pour nous sauver, pour qu’avec Lui nous ressuscitions à la Vie, cette vie promise pour l’éternité.

Et c’est ainsi que nous participons définitivement à une seule et même fraternité, à la fois humaine et divine. Au point que ce n’est qu’après sa résurrection que Jésus appelle ses apôtres «frères».

Ainsi, la fraternité est le trait de caractère premier de la foi chrétienne et des communautés chrétiennes.

Dès les Actes des Apôtres, au sein de la première communauté, ils vivaient en frères et sœurs; priant ensemble, partageant le pain de vie ensemble et mettant ensemble tous leurs biens...

Et Paul, lui, s’adressera toujours aux nouvelles communautés avec ce même terme qui ouvre depuis toujours ses épitres lues lors de la messe : frères !

Donc, comme le démontre les photos de cette exposition, la fraternité chrétienne doit se voir, se laisser capturer par le regard :

«à la manière dont vous montrerez aux hommes que vous êtes frères et sœurs, alors le monde reconnaîtra Dieu à travers votre amour fraternel».

Un jour, une femme, la cinquantaine, est entrée au rencar. Ses joues étaient noires du mascara qui avait coulé de ses yeux fatigués de pleurs inconsolables. Son mari l’avait jetée à la porte il y avait déjà plusieurs semaines. Elle avait dormi chez une amie puis dans la rue. Elle ne voyait plus ses enfants, déjà grands, mais qui lui manquaient tellement...

Elle s’est assise, a accepté un café et s’est mise à raconter longuement ce chagrin où sa vie se perdait maintenant...

Un jeune homme passe sa tête dans l’embrasure de la porte du rencar, nous le connaissons bien, il a déjà un long parcours de toxicomanie et il est venu souvent au rencar aussi bien en ville qu’à proximité de différentes institutions où il a été soigné.

Il regarde dans le rencar et demande : «T’as affiché mon dessin ?» 

- Oui il arrive assez souvent que des bénéficiaires du rencar nous offre un dessin pour l’embellir, souvent de merveilleuses œuvres de reconnaissance... -

«Oui, il est là ton dessin !» Et la femme lève les yeux, son regard submergé de larmes fixe la feuille apposée au mur : «Oh c’est beau ça, j’en aimerais bien un comme ça...»

En fait, le dessin, c’est une phrase écrite de belles lettres multicolores qui dit : «Vis ta vie en couleurs, c’est la recette du bonheur».

Alors le jeune homme voit les pleurs de la femme. Il entre, referme la porte, va s’asseoir à côté d’elle et la prend sous son bras. Il ne sait rien d’elle, du drame qu’elle traverse. Elle pose sa tête sur son épaule et ravale ses pleurs alors qu’il lui chuchote : «ça va aller, t’en fais pas... ça va aller, on est pas tout seul, Dieu lui, il est là avec nous... ça va aller» et il la sert fort dans ses bras, comme elle aurait voulu être serrée dans les bras de ses enfants...

Et nous, nous sommes là, tels des appareils photos en train de capturer une incroyable image de fraternité...

Allez, sœurs et frères,
allez regarder ces photos,
regardez au-delà de l’image
et entrez en contemplation.

Au-delà de ce que nos yeux voient
la fraternité s’écrie
en joies
et en peines...

Derrière ce que nos yeux voient
la fraternité s’imprime en nous
en émotions et en vibrations
qui toutes nous disent
l’Amour de Dieu
et la force fraternelle.

Je termine avec cette citation de Philippe Zeissig :
«Nos yeux ressemblent à un port sur la mer. Le port n’acquiert de la valeur que s’il est étroitement en relation avec un ample arrière-pays. Par le Rhin, Rotterdam remonte jusqu’à Bâle. De même, nos yeux sur l’océan immense des images à capter restent à la superficie de la réalité s’ils ne sont pas profondément connectés avec notre esprit, notre volonté, notre mémoire ou notre âme. C’est ce qui différencie la vue du regard. La vue accueille tout ce qui se présente à elle, le regard opère un discernement et va au-delà de la surface immédiate de ce qui lui est donné. Le regard envisage, il transmet la vie parce qu’il est habité par la vie.»

Puissions-nous, par notre regard et par notre aptitude à témoigner de l’espérance qui s’image en nous, rendre perceptible autour de nous la fraternité qui nous met en vie...

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